Les Conjurées ou La Croisade des dames : voici un spectacle rare. Rarement donné. Pour des raisons obscures. En tout cas, ce n’est pas du côté de la qualité musicale qu’il faudrait en chercher l’explication. La musique des Conjurées est l’une des plus belles œuvres vocales du compositeur, ce qui n’est pas peu dire… À la tête de ses Solistes de Lyon, Bernard Tétu revisite cet opéra de chambre oublié dans lequel Schubert s’est particulièrement intéressé à la place de la femme dans la société. Dans ce singspiel, le compositeur s’est amusé à détourner deux comédies d’Aristophane (L’assemblée des femmes et Lysistrata) pour inventer une fantaisie féministe et pacifiste. Pour Schubert, la guerre qu’il a imaginée se situe à l’époque médiévale des croisades. Dans son château, la comtesse Ludmilla réunit les femmes des chevaliers, toutes lassées de voir leurs hommes partir à la guerre, pour les convaincre d’organiser une grève du sexe. Sauf qu’un page évente l’affaire et que tout se complique…
Pas de décor, sauf une table. Pas de costumes, sauf une belle série de couvre-chefs. Peu de mouvements, peu de gestes. La mise en espace demande au spectateur d’imaginer ce qui ne lui est pas donné à voir. Pour l’y aider nous avons, avec la compliclté du vidéaste Patrick Millet, détourné le traditionnel surtitrage de rigueur dans toutes les salles d’opéra, en y glissant quelques commentaires à l’ironie douce, par simple procédé de typographie et de mise en page, ou par l’insertion de notes du traducteur un peu intempestives. Juste assez pour souligner l’humour de l’œuvre de Schubert sans l’écraser. Car les qualités dramatiques de ce singspie/sont fragiles. Schubert hésite sans trancher, entre profondeur et superficialité, entre mélancolie et joie, entre délicatesse et grandeur.
Jean Lacornerie
Les Conjurées ou La Croisade des dames
Distribution
Direction : Bernard Tétu Mise en espace : Jean Lacornerie Solistes de Lyon-Bernard Tétu Comédienne : Elisabetth Macocco Piano : Philippe Cassard |