Depuis plusieurs années déjà, nous accueillons les créations du Théâtre Le Carrousel. Par le regard qu’il ose sur l’enfance et sur l’art, le travail de cette compagnie trouve un écho dans l’idée que nous nous faisons du spectacle vivant en direction du jeune public. Portés par un travail de recherche et de création qui repousse les limites du possible, le metteur en scène et ses collaborateurs interrogent la place et le regard de l’enfant dans le monde. Il était donc tout naturel qu’après Petit Pierre, L’Ogrelet, Petit navire, Souliers de sable et Le bruit des os qui craquent nous laissions une fois de plus cette équipe canadienne investir notre plateau avec Nuit d’orage.
» La nuit, je me sens seule et sans défense « , soupire la petite fille de Nuit d’orage, alors que le tonnerre gronde. Blottie dans son lit avec son chien, elle n’arrive pas à dormir. Des milliers de questions se bousculent dans sa tête. Des questions existentielles sur l’origine de la vie, sur l’infini, sur l’amour et la mort, sur les mystères de l’univers. Le vent souffle de plus en plus fort, et puis l’orage éclate, les éclairs illuminent la nuit noire : toutes les peurs sont permises. Avec ludisme et sincérité, Nuit d’orage explore la pensée philosophique à l’âge où la conscience s’immisce dans notre insouciance pour ne plus nous lâcher. Voici un spectacle où le noir et le blanc dialoguent, et qui nous renvoie à notre propre vulnérabilité devant le mystère qu’est la vie.
De la planche à dessin aux planches du théâtre
Il y a une indéniable parenté d’esprit avec Michèle Lemieux et le parcours du Carrousel, tant sur le plan de la relation à l’enfance que sur le plan esthétique. La parole est ouverte, le questionnement existentiel ne prend pas de chemins de traverse. (…) Un album tout en noir et blanc pour un spectacle tout en noir et blanc. (…) Il y a trois trames qui se dégagent de la structure de l’album. Une première, tout en noir, qui situe le monde extérieur, la campagne avec une maison et des éclairs dans la nuit noire. Une seconde, tout en blanc, donne à voir le monde intérieur, une chambre, un lit, un tapis, un chien, une petite fille et ses questions. La troisième est l’amalgame des deux, le lieu des possibles, des rêves, des fantasmes de l’imaginaire où tous les délires sont permis. (…) Avec sensibilité, partir du dessin, le décomposer pour le recomposer au moyen de projections, d’ombres et d’objets qui font éclater l’espace scénographique. Comme toujours, la lumière fera corps avec la mise en scène tandis que l’univers sonore démultipliera le texte en le décomposant et le recomposant de manière insolite.
Gervais Gaudreault