VOYAGE À TOKYO

Ozu est né le 12 décembre 1903, et il a réalisé entre 1927 et 1936 plus de trente films muets, et jusqu’en 1963, date de sa mort, une vingtaine de films sonores.
Loin de Tokyo, dans une ville située au fond d’une baie, un vieux couple se prépare à partir en voyage. Ils laissent là leur plus jeune fille Kyoko, une institutrice, et partent quel­ques jours pour la capitale. En chemin, à Osaka, ils verront à la gare un de leurs fils, Kelzo, et à Tokyo leur fils Kolchl (marié, deux enfants), leur fille Shige (mariée) et la veuve d’un autre fils mort huit ans auporavant pendant la guerre.
Leur arrivée suscite, au moins en apparence, une grande joie dons la famille. Peu à peu, ils deviennent encombrants malgré leur discrétion et leur humilité. On essaie de se débarrasser d’eux en leur payent un séjour à Ataml, une station thermale. L’auberge est trop bruyante, ils regagnent Tokyo. Une nuit, le vieillard retrouve de vieux amis, et s’enivre en leur compagnie. Ils repartent mais doivent s’arrêter à Osaka au retour à cause d’une maladie de la vieille dame. Elle meurt peu après son retour, entourée de ses enfants venus e:i hâte.
On voit par ce résumé que le film est construit autour d’une succession de petits faits de la vie quotidienne, dont on dit
qu’ils sont sans importance. La mort elle-même rompt à peine cet écoulement monotone du temps qui passe. En bref, il ne se passe rien, du moins selon une conception du récit basée sur le suspense. Des gens vivent, tianalement, et irieurent, de même. Fiction ou documentaire ? Comme pour Flaherty, on pourrait se poser la question.
Nous sommes en Europe, en 1953, et il faudra attendre quelques années (Antonioni) pour qu’on accepte l’idée qu’un film peut être tout simplement l’histoire sans soubresauts de gens sans importance. Au Japon, une vieille tradition litté­raire et dramatique a favorisé au cinéma plus de lenteur, mais non pas moins de sang et de violence. Ce n’est pas par ce seul aspect que Ozu annonce – et par bien des aspects, dépasse – un certain cinéma moderne.