Le bruit des os qui craquent

Avec cette nouvelle création, Le bruit des os qui craquent, l’équipe québecoise du Carrousel dont nous avons déjà reçu Petit Pierre et Souliers de Sable, met en lumière la réalité douloureuse des enfants-soldats et questionne leur possible retour à une vie normale. Avec une grande délicatesse qui permet d’évoquer sans démontrer et d’exprimer sans expliquer, Suzanne Lebeau et Gervais Gaudreault réussissent la gageure de nous émouvoir et de nous faire réfléchir, sans qu’aucun pathos ne dilue l’intensité du texte. Le bruit des os qui craquent, à voir en famille parce qu’il nous touche tous, que nous ayons douze ans comme l’héroïne au début de l’histoire ou plus. Parce qu’il est le prélude à mille discussions, échanges avec nos enfants sur ce Sud qui nous fascine et nous fait honte.

Elikia (qui veut dire espoir en lingala – Congo) est une enfant parmi tant d’autres, qui a vu sa vie basculer du jour au lendemain dans une guerre civile chaotique et sans lois. Enlevée à sa famille, elle devient enfant-soldat. Victime, elle est aussi bourreau, dans une situation intenable qui brouille les lois les plus élémentaires de l’éthique. Comment grandir et rester humain quand les repères s’effacent devant une brutalité quotidienne sans espoir ? C’est le petit Joseph, le plus jeune enfant à parvenir au camp de rebelles, qui lui rappellera son enfance, sa famille, son village, son humanité et qui lui donnera le courage de briser la chaîne de violence dans laquelle elle a été entraînée. Un troisième personnage, Angelina, l’infirmière qui les reçoit à l’hôpital après leur fuite, permet la distance et, grâce à son regard extérieur, évite toute complaisance. L’écriture du texte s’est faite en deux temps. Une première période de recherches poussées sur la situation des 300 000 enfants-soldats dans le monde a donné à Suzanne Lebeau les balises nécessaires pour ancrer l’action, armer une structure, définir des personnages. Le deuxième temps s’est fait à son retour de la République démocratique du Congo où elle était allée travailler avec des ex-enfants-soldats. Tout ce travail pour aboutir à un texte qui prend parfaitement sa place au cœur de la démarche artistique de la compagnie en posant la question de quoi dire aux jeunes spectateurs et interrogeant la place de l’enfant dans le monde.