Delphine Seyrlg, c’est Jeanne. Nous rentrons dans sa vie un mardi à 17h30. Nous la quitterons trois Jours plus tard après trois heures et vingt minutes de projection. Entre temps, nous l’aurons vue se laver, préparer son repas et se llvrer à toutes les activités qu’occulte le cinéma traditionnel. Ce qui par contre motive les films classiques (une passion, un drame…) nous ne le verrons pas, car il n’y a rien à montrer. La vie de Jeanne est définitivement teme, désespérante, programmée, anonyme. Et pourtant un drame se Joue dans l’en-creux de la quotidienneté de Jeanne qu’au fll des heures (de projection) un geste, une maladresse, un minuscule Imprévu qui, dans ce contexte, prend figure de bombe, vient révéler. Un film, donc, qui comme tous ceux qui travaillent sur le temps, fera fuir le spectateur sans regret au bout d’une demi-heure. À moins que… Car l’anodin a lui aussi ses pièges. Et, dès cet instant, le pari de l’auteur est gagné et Jeanne devient héroïne. Rien de ce qui la touche ne noue est plue Indifférent.
Cette porte n’aurait pu être ouverte sur l’adhésion du spectateur sans le jeu parfaitement maitrisé de Delphine Seyrlg, trace de toutes les Jeanne possibles, pratiquement seule sur l’écran pendant tout le film, et sana une science certaine du cadre et du montage de-la part de Chantal Akerman, Jeune réalisatrice belge qui, à vingt-cinq ans est déjà l’auteur de cinq courts-métrages et trois longs-métrages.
Jean ROY, Cinéma 76. n° 207
JEANNE DIELMAN, 23, QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES
Distribution
FIim belge de Chantal AKERMAN (1975) 35 mn couleur avec Delphine Seyrlg Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs Cannes 1975 Durée : 200 mn |