Créé en 1994, dans une première version épurée et minimaliste, le ballet Woyzeck est aujourd’hui repris et modifié par le chorégraphe yougoslave. Témoin de l’évolution d’une carrière fondée sur l’étude du geste, cette adaptation de Büchner fait la part belle à l’inachevé. Les corps et les voix se mêlent dans une mise en scène toute en retenue.
Josef Nadj nous propose un concentré muet de Woyzeck, pièce qui a donné lieu à tant d’interprétations diverses. Tout commence comme un tableau, un moment figé. Pendant une très longue minute, la scène et les danseurs sont immobiles, impassibles, inertes, marionnettes en attente du manipulateur. Puis les personnages se dessinent, obscurs, étranges, certains aux corps déformés, d’autres au visage recouvert d’argile. Au fil des tableaux, le chorégraphe amène le spectateur dans un univers muet et laisse entrevoir les principales séquences de la pièce : scènes de caserne, humiliation de Woyzeck, amour transi pour Marie, jalousie et coup mortel à la bien-aimée. En un possible écho de la guerre fratricide qui déchirait la Yougoslavie à l’époque de la création, la lecture du chorégraphe propose une vision de la décomposition qui gagne progressivement les corps et les esprits.