Woyzeck

Nous poursuivons notre compagnonnage entamé en 2004 avec Andrea Novicov à l’occasion de la présentation de La Maison de Bemarda Alba. Après deux créations d’auteurs contemporains (Nature morte avec œuf de Camille Rebetez et Valparaiso de Don DeLillo), Andrea Novicov s’empare d’un des très grands textes du patrimoine théâtral, écrit dans la première partie du 19e siècle. Mais nous pouvons faire confiance à Andrea Novicov (cet inventeur d’univers théâtraux) pour ne pas se limiter à une version de plus de Woyzeck.
Surgie en pleine période romantique, la pièce inaugure l’histoire du théâtre moderne. Cette succession de fragments furent inspirés à Büchner par un banal fait-divers : un simple soldat du nom de Woyzeck qui assassina dans un accès de Jalousie sa fiancée à Leipzig en 1821. L’histoire se présente comme un rêve éveillé qui porte aussi bien sur l’intimité des Individus que sur l’état de la société. Œuvre inachevée, cette pièce laisse au metteur en scène le soin d’imaginer son dénouement.

Les images que nous souhaitons faire surgir, à travers cette relecture de la pièce, ne sont pas celles d’une garnison du 19e siècle, mais celles d’un village pour touristes dans un de ces pays que l’on appelle encore parfois Tiers-monde. Les soldats y seraient remplacés par une nouvelle armée d’occupation, apparemment pacifique, mais dont les dégâts ne sont pas mineurs. Les bataillons de voyageurs des pays riches, qui, envahissant au gré des saisons diverses les contrées chaudes de l’hémisphère sud, provoquent un bouleversement dans /es cultures qu’ils rencontrent. (…). Tous les personnages du Woyzeck de Büchner se prêtent parfaitement pour représenter les rapports qui se sont instaurés entre le Sud et le Nord du monde. Le soldat Woyzeck peut ainsi prendre les traits d’un citoyen ordinaire des classes sociales défavorisées des Caraibes au service des nouveaux occupants : chauffeur privé, sommelier, jardinier, petit arnaqueur en lutte perpétuelle entre son besoin de survie et la perte de sa dignité. Le Docteur, le Capitaine et le Tambour-major symbolisent un certain regard occidental sur le Tiers-monde. (…) Marie vit dans l’envie et la déception, la richesse la fascine. La plupart des autres personnages appartiennent à la communauté de cette nouvelle garnison en terre occupée. L’univers de la fête foraine, le besoin de soulagement et d’oubli qui encercle nos personnages sera restitué par un petit orchestre de musique tropicale.
Andrea Novicov