L’ÉCHANGE

Distribution

De Paul CLAUDEL par le Théâtre de la VIIIe

Résumé

L’ÉCHANGE, encore une œuvre du très jeune Claudel, revue par le Claudel de la maturité, et qui éclate aujour­d’hui sur une scène comme une parole du matin. Le public ne s’y trompe pas. li ne résiste pas à l’émotion qui l’atteint en plein visage comme une pluie d’orage; il se libère brusquement de ses soupçons, de ses timi­dités, de ses préjugés, et li adhère à cette lumière brû­lante qui le restitue à son humanité profonde. La vérité sourd de Claudel comme une source tumultueuse et limpide qui, soudain, vous fait une âme originelle. Alors, tout parle dans le monde, tout devient signe, écho, révé­lation. Nous n’habitons plus l’univers médiocre et bête et méchant que les esprits étroits s’emploient inlassablement à reconstituer, nous habitons la création et son immortel, son démesuré combat. Anne Delbée (met­teur en scène) saisit à bras-le-corps cette réalité totale : elle met en scène une pièce où rien ne manque, où tout est présent de la dimension claudélienne. Ce vaste pla­teau noir et argent où la lumière joue impitoyablement ; cette arène d’ombre et d’aluminium ; cet espace nu et vide, ce pourrait être l’océan vaste et désert, ce pourrait être le sommet solitaire où la neige et le silence s’unis­sent dans le même Infini : ce pourrait être aussi le toril où l’on attend les bêtes qui vont combattre et mourir. Elles s’avancent. Deux couples : Marthe et Louis Laine, Lechy Elbernon et Thomas Pollock Nageoire.
C’est dans ce décor abstrait et agressif que s’inscrit une action d’une tension qui ne faiblit jamais, où n’est pas respectée la division en actes et qui donne au fan­tastique poème à quatre voix de Claudel sa modernité envoûtante. Anne Delbée a obtenu de ses quatre inter­prètes un jeu à la fols totalement sincère et distancié, d’une savante stylisation. Voici Louis Laine – Jean-Claude Durand – dont Claudel dit bien qu’il est un voyou, jouant de son charme acide et de ses pirouettes de jeune sauvage, grinçant et impitoyable, comme l’est la jeunesse éprise d’une impossible liberté. La femme qui va s’emparer de lui, Lechy Eibernon, c’est Geneviève Page, elle aussi libérée par Anne Delbée de toutes ses contraintes, qui apparaît saoûle et grotesque dans un large pantalon de clown, puis, n’oubliant pas qu’elle est actrice, en habit noir et chapeau claque, belle et for­cenée, dévorant sa jeune proie de ses belles dents, mais aussi tordue de souffrance. Son protecteur, Thomas Pollock Nageoire – quel nom ! – a la silhouette inquié­tante de Jean-Claude Dreyfus, ex-acteur de music-hall : maigreur élégante, crâne rasé, moustache noire, tout du capitaliste véreux qui, nouveau Méphisto, pense que le dollar peut tout acheter, même les âmes.
L’âme, c’est Marthe, la « douce-amère », qui lutte pour son amour, pour cet adolescent qu’elle a voulu sauver de son errance et qui n’y parvient pas… L’âme du spec­tacle, c’est Martine Chevalier, une débutante, ex-prix du Conservatoire qui a refusé, il y a deux ans, d’entrer à la Comédie Française, préférant l’aventure … Petite Jeanne d’Arc aux cheveux courts, pathétique dans sa longue capote bleu sombre, pure et entêtée, formant contraste avec les démons qui l’entourent. Fabuleuse.
Et quelle pièce ! Plus belle encore, si c’est possible, que Partage de Midi. On est suffoqué d’entendre qu’un texte écrit en 1893 puisse être si actuel : par son sujet et les ruptures de style, par l’audace des images…

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