Il se trouve que depuis un certain temps, la Turquie possède des cinéastes capables de transcrire, dans un cinéma d’excellente qualité, les problèmes de leur pays. Ces films, d’où le didactisme est absent, rendent compte de l’arriération des campagnes, de l’oppression de la ville, et même du climat terroriste, dans un langage qui recourt souvent à l’épique. Parmi ces productions, Suru (Le Troupeau) est certainement l’oeuvre la plus importante, la plus belle. Elle entrecroise deux thèmes. Celui d’abord d’un Roméo et Juliette d’Anatolie qui auraient fini par se marier malgré la haine des deux clans. Mais rien ne s’arrange, le père de Roméo n’acceptant pas sa belle-fille, la rendant responsable de tous les maux qui frappent le clan, autrefois puissant, et réduit aujourd’hui à quelques tentes et un troupeau de moutons. Un troupeau, et c’est le deuxième thème, qu’il s’agit de conduire à la ville, à Ankara, par le train. Confrontant deux civilisations, Güney raconte en fait la disparition des vestiges d’une culture plusieurs fois millénaire, celle des derniers nomades. Elle s’écroule à la fois de l’intérieur — les traditions patriarcales ne correspondent plus aux désirs des plus jeunes — et de l’extérieur, devenant économiquement dépassée.
Christian Zeender, La Suisse
LE TROUPEAU
Distribution
Film de Yilmaz GUNEY et Zeki OKTEN (Turquie, 1978) - Durée 2h10
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