Avec ce Sacre du Printemps, Heddy Maalem va beaucoup plus loin que le propos d’Igor Stravinsky. Il le situe en Afrique, donc au creuset de l’humanité. Il prend alors la dimension d’un mythe, celui de la naissance du désir. La beauté des corps, l’accord parfait de la chorégraphie et de la musique, les lumières, tout contribue à faire de ce Sacre plus qu’un spectacle : comme chez Sankaï Juku, mais dans une esthétique radicalement différente, la danse se fait rituel… L’écriture du chorégraphe franco-algérien, précise, épurée, reproduit dans un espace très sobre les rites et rythmes de la nature et de la vie africaine où la mort et la guerre cohabitent avec une furieuse envie de vivre, où hier rejoint demain. Sur scène, dans un décor blanc, des images vidéo, enregistrées, travaillées et reproduites, se mêlent aux mouvements de corps noirs, aux forces proprement humaines de quatorze danseurs originaires de l’Afrique de l’ouest. Ce Sacre du printemps soulève la problématique, chère à Heddy Maalem, du sens de l’existence, et donc de l’identité.
Le Sacre du Printemps a été interprété mille fois. Alors, pourquoi une fois de plus ? C’est à Lagos au Nigeria que j’ai entendu la puissance du Sacre. Sans doute parce que la force d’une œuvre dépasse son origine et parle à l’universel. En tant que chorégraphe algérien, il était important que je m’approprie cette œuvre immense d’une autre culture que la mienne, et dont les rythmes s’adaptent si bien à l’Afrique, (…) L’Afrique : un continent tout entier contenu dans l’espace qui sépare le jour qui finit de celui qui commence, une aurore. La fin et le début d’un monde. Un autre monde encore agenouillé quand Stravinsky voit se lever à l’Est, les soleils rouges. Un continent d’où sourd en même temps qu’une promesse l’épaisse angoisse du printemps. Une terre qui supporte l’énorme poussée de l’univers, la force du demain bondissant. Un dernier royaume où marcher.
Heddy Maalem – Chorégraphe
