Un écrivain en train d’écrire, ça n’est pas drôle, et ça n’est guère excitant. Mais un écrivain qui n’arrive pas à écrire, c’est déjà un sujet de film. Ça peut être dramatique ça l’est. Ça peut être comique, ça l’est également. Parce qu’il ne peut venir à bout de son roman, Paul, le héros malheureux de ce combat obscur contre la page blanche, s’épuise en stériles manoeuvres de diversion, se masturbe, se complexe, court les rues et les cinémas, drague sans conviction ni plaisir et se querelle avec sa femme. Une impuissance en entraînant une autre, il se montre défaillant au Lit, s’enfonce dans la culpabilité et en vient à ne plus supporter l’inlas-sable dévouement de Camille qui assure vaillamment la subsistance du couple. Il devient franchement odieux et finit par se faire mettre à la porte. Béraud (épaulé par Claude Miller) fait le récit de cette crise littérairo-conjugale dans le style ambigu d’une comédie qui virerait à la catastrophe. Film déconcertant, à plusieurs facettes (beaucoup plus compliqué, déguisé, fluctuant qu’il n’y paraît à première vue), La Tortue sur le Dos donne ce plaisir mélangé de surprise qui s’attache à la contemplation des choses multi-formes et fuyantes. Il est équivoque à l’image de ce dernier plan splendide où la pluie tombe en plein soleil. Dans la grisaille sans espoir du jeune cinéma français, il fait l’effet d’une giboulée.
Jean-Paul Torok (Positif)
LA TORTUE SUR LE DOS
Distribution
De Luc BÉRAUD France, 1978 / Durée : 1h45 |