La Mouette

La Mouette : voilà une pièce qui a connu un destin particulier, bien en phase avec cette époque charnière à tous points de vue – et notamment des arts de la scène. Échec retentissant à la création en 1896, consécration quelques années plus tard. Une pièce en avance sur son temps et que le temps a heureusement rattrapée. Problème d’inadéquation entré’ les intentions de l’auteur et la mise en scène à l’origine. Sûrement, mais c’est aussi au plan de l’écriture que se situent les hiatus avec le public mis en face d’un nouvel objet littéraire encore peu identifié. Le critique s’est rattrapé en parlant d’œuvre « impressionniste » ou « pointilliste » (on se souvient des débuts de l’impressionnisme et du Salon des Refusés). Voilà pour la forme. Pour le fond, ce sont des thèmes chers à Tchekhov qui reviennent avec cette belle mise en abîme du théâtre dans le théâtre, pour parler des aspirations à un autre théâtre, à d’autres formes artistiques : de la jeunesse qui se perd, ne sait que se révolter ; de l’amour ; des vanités de l’argent et du cynisme des générations « installées « 

Formée par Ariane Mnouchkine et Tania Balachova, le metteur en scène Lisa Wurmser (dont nous avions reçu Marie des Grenouilles en 2004) est aussi comédienne et auteur. Professeur à l’École Florent, elle dirige depuis plusieurs années des stages de recherche autour d’auteurs contemporains russes, italiens, français et allemands. Son amour immodéré pour Tchekhov lui est venu au fil des textes et de ses voyages dans les régions de la Volga, du lac Baïkal, des plaines de Sibérie : au fur et à mesure, je comprenais enfin le mélange de brutalité et de sensibilité propre à la société russe, ces distancesJ incroyables et cette langue qui s’invente à l’infini.