LA FEMME DE L’AVIATEUR est d’autant plus admirable que Rohmer applique à l’infiniment petit la même rigueur d’analyse, la même acuité d’observation, le même génie dans la direction d’acteurs et la même subtilité dans les dialogues, qu’il mettait autrefois au service d’oeuvres plus ambitieuses. Il croque sur le vif la vérité d’un instant. Sur le visage un peu pataud de François, sur celui, aigu, nerveux, d’Anne, nous quêtons le moindre frémissement, l’aveu fugace d’une souffrance. Nous épions leurs gestes, leur démarche, leur façon de s’asseoir ou de déplier les jambes, comme des chasseurs observant des fauves dans la jungle. Mais la jungle, c’est Paris, un Paris que nous aimons et que nous reconnaissons pierre par pierre. Mais les fauves, ce sont des jeunes gens comme tout le monde, c’est-à-dire comme personne, à trois moments de la jeunesse : 15 ans, 20 ans, 25 ans… La caméra de Rohmer ressemble à un microscope. Sous sa loupe, c’est un monde qui apparaît. Il n’y a plus d’oeuvre …mineure » mais une oeuvre en mineur. Une journée, les rues de Paris, la petite crise de jalousie, vite calmée, d’un très jeune homme : voilà pour le temps, le lieu et l’action. Et cela suffit à nous ravir.
Claude-Marie Tremois (Télérama)
LA FEMME DE L’AVIATEUR
Distribution
De Eric Rohmer (France 1981) - 90 mn |