Andromaque est, avec Bérénice, l’emblème de la tragédie humaine. Elles sont transcendées par l’amour, et interdites d’aimer par la raison d’État ou les lois des hommes qui ne sont pas des dieux. Le metteur en scène Kristian Frédric, Lauréat de la Villa Médicis Hors Les Murs 2005 et Chevalier des Arts et des Lettres en France, convoque Andromaque pour lui faire goûter les fruits amers de notre époque. Une époque où l’on tue comme on respire et où le progrès, cette promesse toujours remise au lendemain, consacre ce déni de l’autre. Il utilise le théâtre comme une arme pour dénoncer « un monde amnésique et inhumain » et ne manque pas de constater et affirmer que la destruction de l’homme par l’homme est encore une recherche de la communication. Dans un univers complètement fantasmagorique, il suggère et souligne la force de l’imagination et nous emmène aux frontières du réel où nul ne peut discerner le vrai du faux.
“ Le spectacle s’intitule Andromaque 10/-43. Ce n’est pas une coquetterie qui consisterait à faire mode. Ce 10/-43, qui plus précisément s’énonce 10 puissance moins 43, correspond au temps de Planck. A cet instant précis de la naissance du monde, peu après le fameux Big Bang, où l’univers s’écarte de l’hypothèse de Dieu pour se résoudre aux lois de la physique et donc à l’inéluctable. Si elle parle d’amour, la tragédie revisitée par Racine ne fait pas l’économie de ce constat-là. Pyrrhus, Andromaque, Oreste et Hermione sont tous des descendants de Zeus. Enfants du mythe et des dieux de l’Olympe, ils s’en écartent pourtant pour basculer dans l’Histoire. Là où l’on vit et l’on meurt avec la même frénésie, la même violence. Là où les liens qui nous relient au ciel se rompent peu à peu. Ce qu’annonce Racine, c’est la déréliction de l’homme privé de dieu. Et son impuissance à vivre ses passions quand l’étau de la guerre et les exigences du pouvoir le privent de son autonomie. “
Lionel Chiuch, dramaturge