1942 : un adolescent brun qui traverse la tourmente colorée d’Alexandrie sur un air de Glenn Miller, c’est Youssef Chahine lui-même, jetant sur son propre passé et sur une période de l’histoire de son pays un regard à la fois complice et ironique.
En fait, à travers sa famille et sa ville, c’est au peuple égyptien dans son ensemble que Youssef Chahine rend un hommage attendri. La réponse à « Alexandrie, pourquoi ? », ce pourrait être « Parce que le peuple ». C’est en son nom et en son nom seul que Chahine demeure profondément, inébranlablement nationaliste.
Pour le reste, il n’épargne personne. Ni Israël, patrie en laquelle Sarah, l’un des personnages, découvre une nation à l’impérialisme impitoyable. Ni l’Egypte.
Les pays arabes n’ont pas apprécié l’ambiguïté (la lucidité ?) de leur cinéaste N°1, qu’ils ont eu vite fait d’accuser de traitrise politique. Chahine n’en a cure : il dit simplement ce qu’il croit devoir dire, que ce soit sous la forme d’une fable « sérieuse » comme « Le Retour de l’Enfant Prodigue », ou enjouée et presque musicale comme « Alexandrie, Pourquoi ? » Seulement il se trouve que, dans ce film, le discours se fond avec le désir délibéré de faire du « spectacle ». Non sans humour, Chahine s’est appuyé sur des situations et des personnages, droit issus du cinéma de l’époque (ces « romances orientales à deux sous »… ), pour mieux recréer son Hollywood-sur-Nil. Et c’est de l’artifice absolu de sa vision que naissent paradoxalement la véracité et la vraisemblance.
Pierre Murat
ALEXANDRIE, POURQUOI ?
Distribution
De Youssef Chahine (Egypte 1980) Durée: 2 h 13 |