Ils sont deux, dans Passe Montagne, à poursuivre cette quête, à traquer ce Graal improbable. Serge (joué par Stévenin lui-même) a toutes les apparences d’un garagiste, perdu quelque part dans le Jura. En tout cas, il bricole dans la mécanique, jusqu’à concevoir et fabriquer des objets fabu!eux, comme cet oiseau de bois et de verre qui surplombe la vallée. Serge rencontre un soir, dans un restaurant, un Parisien en panne de voiture, Georges (Jacques Villeret). Georges lui aussi, est un amoureux des chiffres et des plans : on pressent qu’il est vaguement architecte. Georges accepte l’invitation de Serge à venir passer la nuit dans son garage, pour pouvoir bricoler la voiture à l’aise. En fait de bricolage, il se retrouve embarqué, corps et biens, dans le vieux rêve fou de Serge : trouver « la Combe Magique », lieu quasi-méta-physique dont on ne saura rien, sinon qu’il exige de nombreux calculs et d’épuisantes et folles randonnées pour être atteint. Voici donc nos deux modernes chevaliers parcourant les bois et les champs de neige, dépliant et scrutant des cartes, traçant des chiffres — et rencontrant, en de folles nuits de beuveries, des « frères humains », bûcherons ou aubergistes qui les détourneront du but. Ai-je rêvé plutôt que vraiment vu Passe-montagne ? je ne sais. Mais pour qu’un film me catapulte, sans une seconde d’ennui, à de telles hauteurs, à de telles combes magiques, celles essentielles, rte l’enfance à jamais poursuivie, ce ne peut être que par le miracle d’un génial bricolage, d’une sublime mécanique, dont Stévenin, à coup sûr, possède la mathématique secrète.
Alain Rérnond (Télérama)
LE PASSE MONTAGNE
Distribution
De Jean-François STEVENIN France, 1978 / Durée : 1h50 |