Au cinéma, on ne se proclame pas innocemment mémorialiste d’une enquête policière. On n’enregistre pas avec sa caméra les images d’un cadavre, d’une arrestation, d’une condamnation à mort, « de sang froid ». La morale veille : filmer la vie d’un homme en direct, soit. Mais à condition d’être son avocat. Or, à l’heure où les sondages (réalisés par la Sofres et publiés le 4 janvier dernier par Le Journal du Dimanche) nous informent que 63 % des Français interrogés se sont déclarés pour la peine de mort. À l’heure où dans nos prisons six condamnés attendent la grâce du Président ou l’application de la peine capitale, voilà que nous arrive ce film de François Reichenbach, fougueux prince du reportage, auquel fut souvent reprochée son attirance pour le sensationnel.
De quoi s’agit-il ? Alors qu’il suit, caméra sur l’épaule, les patrouilles nocturnes des voitures de police de la capitale du Texas, François Reichenbach voit tout à coup la sanglante « routine » (hold-up, accidents, accouchements prématurés et rixes violentes) interrompue par un drame : la découverte du cadavre d’un flic. Le shérif Charles Baker vient d’être tué.
Images terribles. Parce que l’assassin ne cherche pas à nous attendrir. Parce que son entourage, apprenant la nouvelle, le charge, le rejette, le renie. Parce que sa fiancée réclame pour lui la sentence suprême. Parce que les rouages humains de l’administration judiciaire font leur boulot, sans haine, comme des robots. Parce que l’Amérique filmée par Reichenbach est une Amérique unanimement sans chagrin, sans pitié.
Jean-Luc DOUIN / Télérama n° 1623