Déjeuner chez Wittgenstein

Rencontre fulgurante entre un très grand metteur en scène allemand et un très grand auteur autrichien mise en valeur par trois comédiens étonnants. Hans-Peter Cloos a imaginé, pour Déjeuner chez Wittgenstein, texte de Thomas Bernhard, une mise en scène d’une grande sobriété, laissant ainsi les comédiens aller à la rencontre du texte. Subtile et pourtant percutante, d’une légèreté joyeuse et d’une extrême clarté, elle évolue dans un équilibre parfait et donne chair aux mots et à l’humour dévastateur de l’auteur.

Deux sœurs, Dene et Ritter, attendent pour déjeuner l’arrivée de leur frère Voss. Régulièrement, elles le font sortir de l’asile psychiatrique où, depuis vingt ans, il a choisi de séjourner. Dene, l’aînée, est une jeune femme fragile, fébrile et obsessionnellement maniaque, Elle s’occupe de la maison et sert de secrétaire à ce frère qu’elle aime de manière névrotique. La cadette, Ritter, est plus détachée. Distraite et superficielle, elle se sait futile et le revendique. Elle aime autant qu’e!le le hait ce frère philosophe, brillant mathématicien et mégalomane. Soudes les uns aux autres, vivant les uns à côté des autres sans jamais se comprendre, ils évoluent dans le décor et les objets de leur enfance laissés par leurs riches parents disparus. Le tragique effleure le burlesque, le rire devient une pirouette habile, l’unique moyen de suNie face à l’effroyable réalité.
Déjeuner chez Wittgenstein peut être lu comme quelques moments saisis sur le vif au sein d’une famille névrosée tout à fait quelconque, mais aussi comme la satire d’une certaine Autriche, contraignant à l’exil ses enfants les plus sensibles ou pire encore, empoisonnant leurs énergies créatrices à la source.