Du militantisme grammatical des femmes avides de savoir, chez Molière, aux revendications féministes des années soixante, il n’y a qu’un pas. Et celui proposé par Elisabeth Chailloux est éclatant de justesse. Dans la maison de Chrysale, relookée en salon vintage, les femmes ont pris le pouvoir. Sa femme, sa soeur, sa fille ainée sont folles de philosophie, de science, de poésie. Elles veulent se libérer du rôle que les hommes leur ont assigné pour se consacrer entièrement à leur passion, le savoir. L’ordre familial est bouleversé. Ce sont des proies faciles pour Trissotin, leur maître à penser, escroc intellectuel cynique et profiteur, dont le but est d’épouser Henriette, la fille cadette, qui n’a aucun goût pour les choses de l’esprit et aime Clitandre. Entre une Henriette fan de yéyé glamour et insouciante, une Armande qui revêt l’allure seyante mais plus froide et coincée d’une Simone de Beauvoir rajeunie et un Trissotin vantard pastiche de Fred Astaire, la metteure en scène s’en donne à cœur joie. Avec cette comédie pétillante et ironique, Molière y fustige moins les femmes avides de savoir que la désagrégation de la famille bourgeoise ainsi que le pédantisme, le snobisme et l’imposture. Au visionnaire de l’émancipation féminine par le langage, Elisabeth Chailloux offre un clin d’oeil facétieux et décalé. Brillant !
LES FEMMES SAVANTES
Distribution
Théâtre des Quartiers d'Ivry Texte : Molière Mise en scène : Elisabeth Chailloux Interprétation : Anthony Audoux, Philippe Cherdel, Bénédicte Choisnet, Etienne Coquereau, Camille Grandville, Florent Guyot, Pauline Huruguen, François Lequesne, Catherine Morlot, Lison Pennec |