« Une des raisons pour lesquelles La Cantatrice chauve fut ainsi intitulée, c’est qu’aucune cantatrice, chauve ou chevelue, n’y fait son apparition, » nous dit Eugène Ionesco. Le ton est donné, pour cette « anti-pièce » comme le dit le sous-titre, un monument du théâtre de l’absurde, inspiré de la lecture d’une méthode d’apprentissage de l’anglais. Monsieur et Madame Smith reçoivent les Martin à la maison… Ils parlent de choses et d’autres sans rien échanger de personnel, on pense d’abord à une comédie de boulevard, une pièce intimiste à thèse, et puis cela dérape… Il y a là la pipe, le fauteuil, le journal, la nurse : tous les indices d’une bourgeoisie évaporée dans un délicieux nuage d’absurdité. Critique acerbe d’un milieu social qui tourne à vide, satire du conformisme ou traité sur la vacuité du langage ? Tout cela à la fois. Mais aussi « comédie de la comédie », qui fait voler en éclats toutes les conventions théâtrales, ce qui ne peut que réjouir le metteur en scène Pierre Pradinas qui y lit une interrogation sur la raison d’être de la représentation elle-même, une œuvre qui abolit les frontières entre le comique et le tragique.
” Ionesco ne nous accable pas, il partage avec nous l’absurdité de nos postures, il nous fait rire de nous-même et ce n’est pas désespérant parce que grâce à lui, on se comprend mieux, et on est pris d’une furieuse envie de réagir. ” Pierre Pradinas