ROBERT CHARLEBOIS

Robert Charlebois, on le sait depuis longtemps, ne cultive pas l’insolite. Il l’est. Lutteur au physique et au moral, il s’est taillé des réputations diverses. Energumène tapageur et dangereux pour les uns, poète au coeur sensible et pudique à fleur de peau pour les autres, fabulateur, iconoclaste, provocateur, génie, toutes les éti-quettes lui ont été collées sur le dos. Un large dos d’athlète qui pouvait supporter tout ça sans gêne. Sa force, il ne la tire pas de la pratique du golf, du football américain ou du hockey sur glace mais bien d’un formidable sens de l’humour. Un humour grinçant, galopant, lyrique qui lui permet d’harceler son monde dans un registre qui va des clowneries burlesques aux boutades les plus corrosives. Des attaques contre son pays, le Québec, Une terre mais pas un pays, dit-il, à des prises de position politiques, tout est bon à canaliser son extravagance. Voilà pour la peau de Charlebois. Mais il a la chair. Pour la goûter, il suffit de revenir à une chanson, ce chanteur ben ordinaire, qui est une autoconfession, un cri d’amour, et tout simplement un chef-d’oeuvre. Là, comme dans dix, vingt autres tunes, il y a l’autre face de Charlebois. Celle qui, au-delà des sons diaboliques, des rythmes fous du rock, des crescendos intempestifs de l’électronique, en a fait un « grand » de cette chanson québécoise pourtant prodigue en seigneurs : Félix Leclerc, Gilles Vignault hier, Paul Piché aujourd’hui. Le Matin de Paris