La vaste « passion » Les Pâques à New-York fut imaginée par Blaise CENDRARS en 1912, tandis qu’il errait, seul et déshérité, dans les impasses de la pauvreté, dans les rues misérables de la métropole américaine.
Cendrars célébrait Pâques à sa façon fraternelle et généreuse, c’est-à-dire auprès des gueux et des déclassés… Ce chant de détresse, ample et charpenté, devint le cri de ralliement des fiévreux créateurs. Paul Morand écrira plus tard : « Les Pâques à New-York » prenaient à la fois le tournant de l’époque et celui de l’infini». La Compagnie du Lierre a su ressusciter la véhémence chaleureuse de la prière de Cendrars et son rire féroce, hargneux, d’idéaliste trahi. Les acteurs ont bâti, collectivement, ce « mystère » pur, dépouillé et bouleversant. La tragédie épique des émigrants se déroule sous nos yeux.
Ils débarquent, remplis de la joie de fouler le sol du Nouveau Monde. Puis, peu à peu, les illusions abdiquent. New-York les persécute, New-York les broie. Cinq acteurs incarnent tour à tour les Italiens déçus, les Russes nostalgiques, les Grecs têtus et les Polonais apeurés.
Au milieu de leurs exaltations et de leurs défaites, un homme, qui porte un œillet rouge à la boutonnière de son costume élimé, traine son mal de vivre. C’est Blaise Cendrars, le narrateur des exploits de la survie quotidienne.
Au lieu d’illustrer chaque séquence du poème de Cendrars, la Compagnie du Lierre a pris l’heureux parti de composer une fable chantée. Les immigrés s’expriment dans différents dialectes, voix étrangères dont nous ne comprenons pas le sens précis, mais dont nous percevrons, comme une mélodie, les nuances de la sensibilité. Ainsi, le texte de Cendrars restitué dans sa cadence originelle, est porté par ce chœur d’oratorio. Les tableaux inventés par les comédiens sont admirables de beauté plastique. Et jamais abstraits.
La Compagnie du Lierre a miraculeusement traduit le langage et le roulis du verbe de Cendrars …
Lucien MAILLARD (J’informe)