Un comédien, Marcel Bozonnet, dirigé par Jean-Louis Jacopin, de l’atelier Philippe Adrien, dit et joue les textes d’une ursuline du XVIle siècle, Marie Guyart, en religion Marie de l’Incarnation. Texte admirable, où les effluves mystiques chers au XVIle siècle français sont colorés par de charmantes descriptions d’une traversée de l’Atlantique, de la rencontre des icebergs ou de la vie des Indiens du Canada, où Marie Guyart s’était expatriée… La soirée serait-elle aussi étonnante si c’était une comédienne qui était en scène ? Pareil à un acteur japonais dans un rôle féminin, Marcel Bozonnet donne aux frémissements et aux ambiguités du texte – le langage mystique, si proche de l’érotique – son étrangeté sexuelle et son éloignement dans le temps. Pour la première fois en Occident, un « travesti » ne caricature pas le sexe qu’il emprunte. Fantastiquement maquillé, d’abord jeune femme aux pommettes rose pâle sur fond de teint blanc, puis vieille nonne malade aux rides accusées, Marcel Bozonnet retrouve les attitudes de la Sainte Thérèse du Bernin en les esquissant à peine. Il est à la fois provoquant et discret, émouvant et drôle, enveloppé d’une sensualité et d’un humour légers comme il l’est de ses voiles blancs de religieuse. L’art de la composition a rarement été mené si loin. Une curiosité esthétique ? Mieux que ça. Du théâtre à l’état pur.
Guy DUMUR.
LECTURE DE LETTRES D’UNE RELIGIEUSE DU 17e SIECLE
Distribution
Par Marcel Bozonnet Mise en scène Jean-Louis Jacopin |