Colombien vivant à Genève, Omar Porras, directeur-fondateur du Teatro Malandro, que nous avions reçu à Thonon avec Ay QuiXote, a l’âme d’un saltimbanque. Il veut sentir vibrer ses spectacles de la tête aux pieds, des spectacles dans lesquels il mélange la parole, la danse, la musique et le chant. Son univers baroque est habité de merveilleux et de magie. Une de ses premières mises en scène fut, en 1993, La Visite de la Vieille Dame. S’il tient à recréer cette pièce dix ans plus tard, c’est pour reparler du cruel et du grotesque du réel. Pour montrer comment l’humaniste peut se transformer lentement en assassin avec l’approbation et les applaudissements des citoyens. Pour se poser aussi la question de la justice…
Claire Zahanassian est de retour à Güllen, son village natal. Elle est richissime et propose d’offrir à ce village pauvre cent milliards. Pour ce prix-là,Je m’achète la Justice. Cent milliards pour la tête de l’homme qui, lorsqu’elle avait dix-huit ans, l’a séduite puis abandonnée avec son enfant. D’abord horrifiés, les citoyens cèdent progressivement à l’attrait de l’argent et aux vertus magiques de la richesse : ils sacrifient Alfred Ill, leur compatriote et deviennent des assassins.
Mais quel est le vrai visage de la justice dans La Visite de la Vieille Dame ? Celui d’une femme outragée ? D’une enfance violée qui traque son amour, animée par le sentiment de la vengeance ? A-ton le droit de la juger ? Ou le vrai visage de la justice est-il incarné par le pasteur qui accuse le péché de l’homme, mais qui exerce son ministère en guidant ses fidèles vers la seule lumière qui éclaire notre monde : la cupidité ? Peut-on le juger? Difficile de répondre… Quelle alléchante farce et quel joyeux bordel.
Omar Porras
