Le propos est des plus familiers. Une femme, un soir, quitte le foyer conjugal. Sous la plume de Villiers de L’Isle-Adam – personnage singulier que Verlaine voyait comme poète maudit -, ce thème de la scène de ménage devient le cri de tout un univers fait de poésie, de rêve et d’inconnu.
Il est bientôt minuit. Dans son riche salon, le banquier Félix passe en revue ses livres de compte, en compagnie d’Élisabeth, sa femme. Épouse dévouée et comptable appliquée, elle lui a permis de tripler sa fortune en quelques années. Ce soir-là pourtant, elle lui annonce brusquement son départ. Elle quitte son mari et sa fille pour échapper à l’ennui mortel d’une existence bourgeoise. Son seul désir : vivre enfin. Cette pièce, avant-gardiste et novatrice, aborde bien plus qu’une dispute conjugale et la lassitude d’une femme toute consacrée à son foyer et sans cesse dépassée par l’insaisissabilité de ses aspirations. Hugo Roux et ses comédiens font entendre à coeur cette langue si étonnante avec ses boursouflures vaudevillesques et ses élans lyriques sublimes. Sans caricature, avec la plus grande sincérité ; pour créer ce sentiment de décalage devant quelque chose de familier, mais où rien n’est vraiment à sa place quand on veut bien y regarder de plus près.