« Oui, je vous aime, je vous adore.
Laissez-moi vous le dire. Laissez-moi vous flatter,
vous lisser le refrain dans le sens du poil.
Je suis la Reine des mouches, votre reine Bouche d’or.
Mon amour est universel.
Comme la mort, mes mouches.
Et j’en suis généreuse.«
Monologue débordant, polyphonie pour voix solo, bouffonnerie poétique, La maladie d’être mouche, ce premier roman d’une jeune suissesse vivant à Genève, fait penser à Novarina et à Ghelderode réunis par sa démesure baroque, sa force performative et sa puissance physique. Artaud n’est pas loin non plus. La Reine des mouches parle à ses sujets, décrit son royaume, édicte des lois, se révèle à nous par facettes interposées. La langue qu’elle utilise, bave pétrifiée avec laquelle elle bâtit son empire, a l’épaisseur et la profusion d’une coulée de lave. Et cet être de pouvoir absolu, omniprésent, insaisissable, met chacun de nous face à l’ambiguïté qu’il entretient avec la tyrannie.
Dans son désir de rencontre du théâtre et de l’image, par la mise en présence simultanée d’un acteur et de sa propre image filmée et projetée en direct sur le plateau, le metteur en scène s’attache à placer le spectateur devant un être proférant une parole de pouvoir, un être qui s’adresse continuellement à lui. Le travail sur le son, très important dans ce spectacle, procède de la même démarche, amplifiant et déformant les propres sons émis sur scène. Le résultat est stupéfiant. Est-ce du théâtre ou une sorte d’oratorio version pop sortie des années 70, avec la technologie en plus (on peut imaginer que Peter Gabriel de Genesis aurait pu produire de telles performances)… Il n’y a pas forcément d’étiquette pré-formatée pour un tel spectacle, mais une chose est sûre : Christophe Grégoire, qui a mis trois années pour réaliser, par touches successives, son spectacle, réussit une fusion du texte, de l’image et du son sans que son spectacle ne prenne à aucun moment la pente de la « technologie pour la technologie ». Au centre, il y a le texte et l’acteur et tout concourt à une forme cohérente, surprenante. La maladie d’être mouche est une invitation pour l’ailleurs.
La maladie d’être mouche
Distribution
La 56ème Compagnie D'après le roman d'Anne Lou Steininger Conception : Christophe Grégoire Acteur : Christophe Grégoire Direction d'acteur : Alain Fleury Scénographie : Pascale Stih Création lumière : Eric Guilbaud Réalisation vidéo : Laurent Mathieu Création sonore : Isabelle |