Deux personnages engagés dans un corps à corps, en quête d’un équilibre nouveau. Un spectacle inattendu et détonnant, une performance dansée comme un combat aux variations multiples, où tous les coups, de gueule et de reins, sont permis.
« Prenez l’espace », « Laissez-vous pénétrer par l’espace », « Ce n’est plus vous qui bougez, mais l’espace qui vous bouge ». Avec ces quelques formules sibyllines, la danseuse-chorégraphe Raphaëlle Delaunay, jogging noir et short bleu, tente d’engager le comédien Jacques Gamblin, tout en noir, de la veste cintrée aux mocassins, à danser d’une manière, disons, moins coincée. Son personnage est celui d’un ingénieur en aéronautique qui a maintenant le temps de danser. Ignare en la matière, il est venu ici pour s’initier dans ce grand espace tout blanc. Maîtresse d’un ballet où le texte est au final assez économe, Raphaëlle Delaunay convoque explicitement Noureev et Roland Petit, et s’adonne au contemporain comme au classique pour tenter de faire ressentir à son « élève » la beauté de la danse, des danses, et surtout de danser. De l’intérieur. Qu’il ressente plutôt qu’il n’admire, qu’il soit ému plutôt qu’impressionné. Et qu’il se libère de ce perpétuel regard sur lui-même qui l’entrave. Ce duo farceur et insaisissable part à l’assaut des mystères de la danse et de l’altérité.
Ces deux-là étaient faits pour se croiser, pour inventer ensemble des récits facétieux, des tranches de vie ubuesques, des instants suspendus. On rit de sa gaucherie à lui, de son verbe haut à elle. Portés par une belle et tendre complicité, les deux artistes se donnent à corps perdus et signent un spectacle « ovniesque » des plus charmants. – L’OEIL D’OLIVIER