Avez-vous déjà songé à ce que faisaient les marionnettes une fois seules dans leur théâtre, quand la représentation est terminée, que les lumières s’éteignent, que leurs manipulateurs ont déserté ? Et bien elles jouent ! Elles jouent à être nous, de grands adultes empêtrés dans les affres du réel… Elles, qui se sont toujours bien gardées de mettre le petit doigt dans l’engrenage de la machine à travail, s’extasient ici de notre ardeur à vouloir coûte que coûte s’y faire laminer… Voilà donc un nouveau jeu : les entretiens d’embauche. D’un côté, Mister Offre, avatar de Père Ubu reconverti en patron d’une agence de placement, cherche un boîteux, un débaucheur, un «pour causer comme i faut» ; de l’autre, Demande, homme ou femme sur le qui-vive, cherche à travailler, à se vendre, à décrocher le pompon. Dix-neuf saynètes comme autant de situations où le réel fréquente dangereusement l’absurde (à moins que ce ne soit le contraire…), dans ce castelet que Mister Offre tient comme on tiendrait boutique, un castelet «comptoir des affaires»… La marionnette avec son mordant et son impertinence se fait ici partenaire d’un théâtre de la cruauté burlesque poussé à bout, pour mieux prendre de la distance avec une éventuelle réalité et en rire, éperdument, évidemment…
