Il est des spectacles de danse qui plaisent, charment ou séduisent. Avec le BALLET THÉÂTRE JOSEPH RUSSILLO, ces attitudes, toutes modérées sont impossibles, parce-que la matiere offerte demande inmanquablement notre engagement. Le style Russillo est violent, sensuel, sexuel même et à travers ses chorégraphies successives, on sent l’homme plus attaché à exprimer le tumulte de son être, les fantasmes qui hantent ses entrailles que la fileur de thèmes exclusivement «humains». Mis à part le «solo» variation hermétique sur un nocturne de Chopin, Le sacre du printemps est une véritable explosion, un hymne à la vie violent et passionné, à la fois constructif et apocalyptique. Tout concourt à cette beauté fulgurante : Les costumes signés Renaud Sanson, sortes de parures végétales dans un dégradé marron-ocre, les expressions de douleur, de jouissance, d’exaltation créative qu’on lit sur le visage des danseurs, les figures chorégraphiques, vastes ensembles massifs inspirant aussi bien le déplacement lent et inexorable des eaux prises d’un glacier que l’avancée d’une coulée de lave en fusion. Les danseurs tout à la fois plantes, animaux, êtres humains s’entrelacent, s’effleurent, s’accouplent ou se désunissent dans un éternel mouvement de va et vient, de vie ou de mort. Le Pierrot, quant à lui est bien différent, mais on y re-trouve la sensibilité extrême de Russillo. Le Pierrot qu’il a imaginé (il l’interprète lui-même) est superbe de tendresse, de fragilité et d’ironie, mi-homme, mi-enfant, s’émerveillant et s’extasiant de tout, rapidement touché, rapidement déçu.
Avec autant de charme que le permet son regard étonné et nostalgique et sa démarche aérienne, il déambule dans son univers intérieur, rencontre une femme-ours, deux poupées riantes, un juge menaçant, un curé inquiétant. Il s’amuse avec eux comme avec des jouets jusqu’au moment où ces jouets le brûlent et l’étouffent. Le rêve est fini pour nous aussi, puis-que ce Pierrot est le dernier tableau de ce superbe spectacle.
THERESE FOURNIER.