Ce témoignage à deux vois de la vie de Céline, constitué par un très intelligent montage des textes du maudit, ne triche en rien. Il refait l’itinéraire délirant de cette vie perdue : l’enfance dévoyée et violente, la boucherie sordide de 1914-18, l’Afrique coloniale, la pratique de la médecine des pauvres, l’abjection antisémite, le sale collaboSigmaringer dans les fourgons de Pétain, la prison au Danemark, l’indignité nationale puis l’amnésie, et la fin misérable à Meudon, cernée par la haine te le silence. Toute la rage désespérée, le ricanement démentiel du génie insurgé – jusqu’à devenir immonde – contre la « vacherie » universelle. Mais à travers le délire de cet écorché, c’est toute l’horreur du demi-siècle qui est mise à nu, et nous avec.
Les deux acteurs, par un jeu qui allie la démesure et le cri à une maitrise souveraine, presque aristocratique du geste, parviennent à témoigner poétiquement de cet univers d’horreur. Ils ont trouvé avec une rare justesse l’art de proférer ce texte haletant et frénétique, d’une prodigieuse invention verbale, et de retrouver rythmiquement l’alchimie secrète de ce langage inspiré et savant.
Gilles Sandier, Le Matin
D’UN CÉLINE À L’AUTRE
Distribution
Par l'Orbe Théâtre Avec Irène Lambelet et Jean-Philippe Guerlais Textes de Louis-Ferdinand Céline |