Voyage au bout de la nuit : un remarquable travail d’acteur au service d’un texte dérangeant. Il faut aller entendre Luchini, qui dit ce texte immense on ne peut mieux, Céline est même plus immédiatement présent là, par l’entremise de cet acteur, qu’à la simple lecture du livre, à la maison.
Peut-être sans y avoir pensé, Luchini emprunte des expressions de visage et des tons de voix à l’un des personnages les plus inoubliables du « Voyage », la vieille Mme Henrouille, que ses enfants essaieront de tuer en lui mettant des pétards dans ses cages à lapins. Céline, la décrivant, parle de son « regard allègre, qui « animait tout alentour, dans l’ombre, d’une joie jeunette, d’un entrain minime et pur », et il parle aussi de sa voix qui « reprenait, guillerette, les mots … et vous /es faisait alors sautiller, phrases et sentences, caracoler et tout, et rebondir vivantes tout drôlement ». Et il ne serait pas possible de rendre compte plus exactement de l’art extrême, fidèle, modeste et profondément émouvant par lequel Fabrice Luchini »loue » « Voyage au bout de la nuit », ce livre témoin des ombres de notre pays, ce grand fantôme noir de notre vie à tous.
Michel Cournot – Le Monde
Fabrice Luchini que nous retrouverons à l’écran dans Les Nuits de la Pleine Lune du 8 au 12 novembre, est depuis plus de dix ans, l’auteur fétiche d’Eric Rohmer. Hormis son rôle dans Perceval le Gallois, on l’a vu dans Le Genou de Claire et dans La en Femme de !’Aviateur. Fabrice Luchini, qui se considère comme un « acteur à texte », analyse ainsi sa démarche dans ce film : « Faire passer un texte écrit en situation vivante ». Cette remarque pourrait également s’appliquer à son interprétation du Voyage au bout de la nuit« . Enfin, il définit le jeu entre la contrainte des lumières et des cadres et sa liberté de comédien comme l’essence même de l’acteur. (Cahiers du Cinéma n° 364).
