La Veillée des Abysses : Dans son monde d’insectes, James Thiérrée avait appelé son précédent spectacle La Symphonie du Hanneton.
L’argumentaire en était tout aussi ésotérique (et pas forcément engageant !), mais le spectacle était magnifique : objet spectaculaire non identifié, mal définissable selon nos critères réducteurs. Les ingrédients : les arts du cirque, acrobatie, contorsion, jonglage… mais plutôt « nouveau cirque ». Le cirque qui raconte des histoires, pas celui qui enchaîne les numéros. Mais aussi un univers poétique, en constante déconstruction-reconstruction qui n’était pas sans rappeler celui de Philippe Genty. C’est dire que cette jeune équipe a du talent et qu’ils iront loin si les prédateurs de hannetons ne les mangent pas.
La Veillée des Abysses… m’est apparue comme une réponse, un écho, un cadeau. Il y avait quelque temps en effet que je réfléchissais à un spectacle mélangeant et superposant entre autres trois tableaux radicalement opposés mais intrinsèquement liés ; le seul et même sujet observé au travers de différentes loupes grossissantes, déformantes, inversées. C’est le voyeur qui change d’avis, qui change de lunettes, qui change d’angle. Ou qui interprète ? Il n’y aura pas de réponse dans ce spectacle, ni pour nos spectateurs-apiculteurs, ni pour nos abeilles.
Le tableau central, le cœur du spectacle mettrait en scène des insectes obéissant à leurs rites, pauvres marionnettes saisies au milieu de leur vie quotidienne, ouvrières d’une toile qui les dépasse et les emprisonne. Le deuxième tableau serait un champ de bataille, ces mêmes individus ensemble face à un ennemi invisible, tout puissant, écrasant. Un seul objectif : surmonter, rechercher des stratégies, des défenses, des contre-attaques. Mais qui attaque qui ? Dans le troisième tableau, ces formes se parle raient, se croiseraient, se mêleraient, s’éloigneraient.«
James Thiérrée
« Elles accomplissent la loi (…) ne nous étonnons point que les abeilles en soient dupes ; nous-mêmes depuis tant de siècles que nous l’observons avec l’aide d’un cerveau plus parfait que le leur, nous en sommes dupes aussi et ignorons encore si elle est bienveillante, indifférente ou bassement cruelle.«
Extrait de La Vie des Abeilles
