Depuis plus de trente ans, le thononais Valère Novarina féconde la langue française comme le paysan sa terre, par ensemencement et cycles successifs. La Scène est sa septième mise en scène. Comme pour chacun de ses spectacles, il use du verbe comme du matériau pictural : langues à vif, dialectes oubliés, latin animal, grec de cirque, patois en perdition ou néologismes jaillissants. Son théâtre est tout entier dans la bouche de l’acteur, dans le corps de la parole.
Que voit-on sur scène ? Le Fantoche de Gugusse, ouvrier du drame, la Machine à suivre, la Machine à dire beaucoup, la Machine sans savoir pourquoi et de nombreux autres personnages. Qu’y entend-on? Un torrent impétueux de paroles, une poésie surréaliste et guerrière où se joue la prééminence des mots sur les choses, de la parole sur le réel ; une polyph6nie qui nous emporte, radeau dans le courant, et nous amène vers des rivages inconnus.
Le spectateur et l’acteur sont ici ensemble dans l’instant suspendus. lis guettent, ils vont partager un surgissement. Je cherche depuis toujours ce théâtre, cette écriture, cette peinture à la source. Je cherche le langage à l’état natif… Chaque terrien d’ici le sait bien, qu’il n’est pas fait que de terre. Et s’il le sait, c’est parce qu’il parle. Nous le savons tous très bien, tout au fond que l’intérieur est le lieu non du mien, non du moi, mais d’un passage, d’une brèche par où nous saisit un souffle étranger. A l’intérieur de nous, au plus profond de nous, est une voie grande ouverte : nous sommes pour ainsi dire troués, à jour, à ciel ouvert -comme les toitures des cabanes à la fête de soukkot. Nous le savons tous très bien, tout au fond, que la parole existe en nous, hors de tout échange, hors des choses, et même hors de nous…
Valère Novarina – in Devant la Parole – Editions PO. L
La Scène
Distribution
Texte, mise en scène et peintures : Valère Novarina Avec : Cécile Barricault, Michel Baudinat, Jean-Quentin Châtelain, Pascal Omhovère, Dominique Parent, Dominique Pinon, Claire-Monique Scherer, Agnès Sourdillon, Léopold von Verschuer, Laurence Vielle Scénographie : Philippe Marioge Lumière : Joël Hourbeigt Costumes : Sabine Siegwalt Maquillage : Catherine Saint-Sever Dramaturgie : Pascal Omhovère Collaboration artistique : Céline Schaeffer Composition des chansons : Christian Paccoud Musique : Ludwig van Beethoven, altérée Régie générale et régie plateau : Richard Pierre |