« Le scandale du monde est ce qui fait l’offense / Et ce n’est pas pécher que pécher en silence » dit Tartuffe à l’acte IV. Laurent Vercelletto, que nous avons reçu plusieurs fois à Thonon et à Evian, fait partie de ces artistes qui défendent vaillamment le théâtre citoyen. Pour eux, cet art fournit de nouveaux moyens pour comprendre le monde. « On en a autant besoin que du pain » martèle-t-il. Et d’ajouter « Mon but est de transmettre des textes de très haut niveau mais accessibles. Quand leur espace se réduit, ils cèdent la place aux coups et aux cris ». Le Tartuffe de Molière, que Laurent Vercelletto considère comme » résolument contemporain « , est l’occasion pour lui de parler et de nous faire réfléchir à la place occupée par la religion aujourd’hui.
Ce Tartuffe sera multi-confessionnel et se situera au confluent de deux religions : la catholique et la musulmane. Il se déroulera en ce début du 21ème siècle, quelque part en France. Orgon et Tartuffe, frères de religion, porteront le même costume, la même barbe exhibée et les mêmes cheveux très courts. La barbe reste symboliquement et physiquement un attribut essentiel de la domination masculine : « Quoi ! Se peut-il, Monsieur, qu’avec l’air d’homme sage et cette large barbe au milieu du visage… » dit Dorine qui, elle, sera maigre et sans doute épuisée, faisant écho à Arnolphe dans L’Ecole des femmes – « Votre sexe n’est là que pour la dépendance : du côté de la barbe est la toute puissance. ». Car Tartuffe est aussi et peut-être, surtout, une pièce qui parle de l’humain, de « ces pauvres humains », qui, tels Orgon, s’enferrent obstinément et aveuglément dans l’erreur. Et c’est en ce sens que Tartuffe reste avant tout une grande comédie.