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Les règles du savoir-vivre dans la société moderne

Dans ce second spectacle de la saison (après Dans l’Après-Rire) présenté par Le Théâtre du Cri, les rôles sont inversés puisque c’est Sophie Lannefranque qui met en scène la comédienne Natalie Royer ( que vous aviez pu découvrir il y a deux ans en chevalier dans La Fausse Suivante). Naître, ce n’est pas compliqué. Mourir, c’est très facile. Vivre, entre ces deux événements, ce n’est pas nécessairement impossible. Surtout lorsque l’on peut se référer à un recueil des bons usages… Et c’est bien d’un vrai Manuel de Savoir vivre du 19e siècle dont s’est inspiré Jean-Luc Lagarce. À partir de ces préceptes sérieux et pontifiants, il s’est amusé à réécrire, à pousser le trait un peu plus loin. Ces ouvrages étaient censés donner les clés d’une bonne éducation pour chaque événement de la vie ; afin que vous vous comportiez en toute situation en personne bien élevée. Jean­-Luc Lagarce s’en amuse, et la mise en scène donne au texte une légèreté, une ironie, une drôlerie qui, si elle ne nous rend pas forcément mieux « élevé », nous réjouit à coup sûr.

Une partie du public est invitée à un banquet (l’autre est dans la salle). On accueille les hôtes avec égard et chaleur et on les installe à plusieurs tables dressées sur le plateau. Sur le côté, en haut d’une estrade, trône la Baronne, dispensatrice des bonnes manières, entourée des animateurs de la soirée. Tandis qu’elle est prise dans le flux ininterrompu de sa parole, qu’elle égrène avec une précision désespérée les différentes règles à respecter dans l’organisation des cérémonies principales de la vie (baptêmes, fiançailles, mariages, noces d’argent et d’or, enterrements, ainsi que leurs phases préparatoires et consécutives), les serviteurs qui l’entourent évoluent dans l’aire de jeu, au centre des spectateurs. Emissaires de la Dame auprès du public, toujours drôles et décalés, ils ne parlent pas mais évoluent, dansent et commentent en gestes leur façon d’appréhender ces bonnes manières.

Dans l’Après-Rire

Entre comédie musicale et théâtre, Dans l’Après-Rire, conte pas ordinaire d’une épopée familiale invente un genre nouveau dans le spectacle musical. Très librement inspirée de la série La petite maison dans la prairie, l’histoire commence dans un décor de carte postale, au sein d’une famille heureuse et équilibrée : le père, la mère et le
fils. Mais bien vite, le cliché original explose… En six épisodes et huit chansons, les quatre acteurs-chanteurs-musiciens, qui semblent tout droit sortis d’un film de Tim Burton, nous invitent à assister à l’évolution du fils, de l’enfance à l’âge adulte. Une meneuse de revue, actrice, chanteuse, bonimenteuse, formidable : Sophie Lannefranque, qui est également l’auteur(e) de ce texte drôle et poétique. Trois musiciens de talent parfaitement intégrés dans un décor de palissades et de passerelles. Un Objet Vocal Non Identifié que l’on a plaisir à découvrir.

Au fil de son voyage, de la campagne à la ville, jusqu’au bord du monde, au travers de rencontres féeriques, d’expériences philosophiques, d’épreuves éducatives, le fils s’enrichira et grandira en s’affranchissant des illusions de l’enfance. Tandis que le temps déroule son quotidien, les objets parlent, les songes succèdent aux apparitions. Le réel côtoyant sans cesse l’imaginaire, les métamorphoses, rites de passages, sortilèges et autres actes magiques se mêlent aux actions plus concrètes.

Les règles du savoir-vivre dans la société moderne

Fiançailles, mariages, communions…, notre société moderne raffole des cérémonies et du lot de traditions qui les accompagne. Les spectateurs sont conviés à une promesse de banquet, accueillis avec chaleur et faire-parts pour une leçon de bonne conduite, aussi réaliste que drôle. Les tables sont dressées et nappées. Tout semble prêt pour la noce. Assise au centre du jeu, l’assemblée écoute la Dame. Elle parle, elle discourt, elle prêche. C’est selon. Elle égrène avec une précision désespérée les différentes règles à respecter dans l’organisation des cérémonies principales de la vie et insiste sans cesse sur l’obligation de se plier aux formes établies : « Avec ça, on ne plaisante pas ! » Ainsi, comme des petits missionnaires de la tradition, une équipe de serviteurs entre en scène et exécute avec espièglerie les souvenirs, les fantasmes de cette Dame drôle et excessive. Jean-Luc Lagarce est l’auteur contemporain le plus mis en scène aujourd’hui. Il nous livre ici, dans une langue délicate, une douce satire de notre société moderne où le paraître, à travers le savoir-vivre, fait loi face à l’improvisation et au désordre. Les cérémonies de la vie traduisent peut-être, au fond, le besoin fou de se relier aux autres, de laisser sa trace, de justifier son existence par des signes extérieurs de réussite amoureuse et familiale.