Le désir de porter à la scène ce court texte, cette magnifique nouvelle qu’est Inconnu à cette adresse, tient en premier lieu à la teneur extraordinaire de cette correspondance imaginaire entre un Juif américain et un Allemand, écrite en 1938 par une femme, épouse et mère de trois enfants, qui a été, entre 1926 et 1928 rédactrice dans la publicité. Elle n’écrira rien d’autre que cette nouvelle et ne se considérait nullement comme écrivain. La publication de son texte en 1938 dans Story Magazine connaît un succès sans précédent en Amérique. Les lecteurs l’ont découverte en France récemment avec le même engouement et la même stupéfaction.
L’auteur fait apparaître, avec une évidence et une simplicité qui coupent le souffle, au travers du lien d’amitié qui lie deux hommes, l’un resté en Amérique, l’autre rentré en Allemagne, la lente et terrible décomposition du lien humain que va produire le discours nazi. La magie tient à la simplicité de sa composition, où partant du particulier, elle touche à l’universel, avec une habileté et une capacité d’émotion rare. Car c’est une histoire d’amitié. Celle d’une amitié dévoyée par !’Histoire. Car c’est un livre sur le pouvoir des mots.
La construction du texte Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor possède une armature dramaturgique de premier ordre. Une tension continuelle qui va vers un dénouement inattendu. Il s’agit sur l’espace du plateau de mettre
en scène cette tension, de mettre en scène ces voix. »
Pascale Henry
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