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JAMAIS PLUS TOUJOURS

« Jamais plus » : un passé constamment miné par l’usure et l’oubli. « Toujours » : une illusion d’éternité. JAMAIS PLUS TOUJOURS, voilà un titre curieux, à l’apparence d’antinomie, mals qui exprime assez bien cette méditation sur la fugacité des souvenirs et sur l’érosion du temps. Agathe a appris la mort brutale de sa meilleure amie, Claire. Elle revient en France après six années d’absence. Au hasard des lieux et des objets qui leur furent familiers, sa mémoire picore quelques moments privilégiée d’un passé plus ou moins lointain. En même temps, elle retrouve Mathieu, un ancien amoureux. À quelques rides près, ii est resté le même ; ils uniront leurs destinées jusqu’à la fin de leur vie… Sur cette intrigue on ne peut plus mince, Yannick Bellon pose un regard ému et tendre sur les visages qui se rident, les vieux quartiers qui disparaissent, les photos qui jaunissant, les modes qui passent et les meubles qui se disloquent dans un concasseur. Sorte de documentaire sur le temps, JAMAIS PLUS TOUJOURS s’attarde volontiers sur des objets liés à un passé connu, inconnu ou supposé. Un leit-motiv nous ramène constamment à l’Hôtel des ventes, à la foire à la ferraille, ou aux devantures des antiquaires. Parallèlement aux ruptures de ton, Yannick BELLON apporte à son poème filmé une apparence de dispersion. Tour à tour, l’intérêt se concentre sur un couple qui se retrouve, sur deux jeunes amoureux qui décident d’acheter leurs premiers meubles, sur un vieil habitué des salles de vente dont la canne à pommeau sculpté sera un jour mise aux enchères, sur une actrice qui répète Phèdre, ou sur une habitante des années 2000 qui tourne les pages d’un album où figurent Agathe et Mathieu. Ce sont les objets qui servent de traits d’union dans cette mosaïque d’images nostalgiques menacées par l’écoulement corrosif du temps. Tout mi demi-teintes, ce film impressionniste est admirablement servi par des acteurs qui ont su s’abandonner à cette subtile recherche d’un temps perdu et parfois retrouvé.
Raymond LEFÈVRE, Cinéma 76 – n° 209