Amours contrariées, deuil, dilemme et destinées funestes. Tous les ingrédients de la tragédie sont rassemblés dans ce succès de Racine, porté à la scène avec fougue et modernité par Yves Beaunesne et son équipe.
Après dix épuisantes années de guerre, Troie a été vaincue dans un terrifiant massacre. Les Grecs, vainqueurs, ont fait prisonniers la veuve d’Hector, Andromaque, et son fils, Astyanax. En Épire, où tous deux sont gardés captifs chez le roi Pyrrhus, fils d’Achille, se noue un entrelacs de désirs à sens unique : Oreste, fils de Clytemnestre et d’Agamemnon, aime Hermione, fille d’Hélène, qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector, qui est mort. Cet épilogue désenchanté de la guerre de Troie invente un modèle : celui de la fameuse « chaîne racinienne ». La folie se propage alors à tous les esprits, l’amour sème la mort.
Andromaque raconte l’histoire d’un héritage trop lourd laissé par des parents légendaires à des enfants qui cherchent comment exister par eux- mêmes. Dans le souvenir d’une gloire passée, les enfants des héros vivent hantés par les spectres immenses de leurs parents, ils s’interdisent tout avenir. Entre conscience du passé et attente du futur, le poète plaide en faveur de l’art oublié de l’endurance.
« Ce qui me trouble, au-delà du meurtre envisagé de l’enfant, est ce qu’il dit de l’amour et de sa terrible proximité avec sa propre négation. Avec son humour au fil du rasoir, Racine démontre que la vengeance n’est que nostalgie et que l’assaut de culpabilité fait de nous des irresponsables. » Yves Beaunesne