Les poignets tordus dans le dos, les pieds loin du sol, pendu, le pianiste tout au long de la séance de torture fait jouer ses doigts, pensant au jour où peut-être, s’il survit, il retrouvera l’usage de ses mains et de son clavier. Plus tard, dans l’isolement le plus complet, prisonnier perdu et anonyme, il se remémore mesure par mesure telle œuvre de Bach ou telle sonate de Beethoven, reconstruisant phrase à phrase la musique qui, souvenir d’un passé si proche et disparu, pour l’instant l’empêche de mourir. Cela dure plus de deux mois. Un jour ce prisonnier, transféré dans la prison centrale du pays, rencontre à nouveau des hommes, prisonnier comme lui. Aussitôt il veut par tous les moyens leur faire partager ce qu’il a de plus précieux : la musique ! Mais les gardiens lui disent : « A quoi bon ! Plus jamais tu ne sera un homme libre, pus jamais tu sera un artiste, un pianiste, plus jamais non plus tu ne sera un amant, ni un père ». Un jour pourtant les prisonniers entendent parler d’un pays dans ce même continent où souffle un nouveau vent de liberté, et le prisonnier pianiste se jure à lui même que s’il sort de prison, il ira donner son premier concert à l’homme à nouveau libre dans se pays là.
C’est une histoire vraie, c’est celle de Miguel Angel ESTRELLA. Et ce récital a eu lieu à Managha, Capitale du Nicaragua, le 24 octobre 1981. Miguel Angel Estrella retrouvait donc en même temps, la terre d’Amérique latine et le récital public. Né en 1937, en Argentine, Miguel Angel ESTRELLA a été l’élève des plus grands maitre de son pays puis, boursier du Gouvernement Français, il a poursuivi pendant plusieurs années ses études planistiques et musicales à Paris auprès de Marguerite Long, Yvonne Loriot et surtout, Nadia Boulanger qui l’a considéré comme l’un de ses élèves les plus attachants.